Entretien d’un groupe de journalistes avec la voix la plus autorisée du Laakam, Jean-Claude SHANDA TONME, intellectuel engagé, écrivain et homme politique aux positions tranchées sur la nécessité du dialogue et de la réconciliation.
L’ampleur de la richesse constituerait-elle un obstacle pour l’harmonie et la sérénité dans les successions chez les milliardaires Bamilékés ?
Question : Monsieur le Président Shanda Tonme, voici quelques successions à problème : Kouam Samuel, Kadji de Fotso, Monkam Pascal, Koloko Levis, Ndjoko, Monthé, Tognia Jean, André Sohaing. La liste des successions querellées et bruyantes donnant lieu à d’interminables batailles devant les tribunaux s’allonge et va très certainement continuer à s’allonger, et ce ne sont là que les exemples les plus connues et les plus médiatisées. Peut-on conclure à l’échec des successions chez les milliardaires Bamilékés ?
R : Vous répondez sans doute à votre propre question par le simple fait de la formuler de cette façon, tendancieuse peut-être, mais réaliste sans aucun doute. Je voudrais toutefois, relativiser en vous invitant à éviter un ciblage dans l’absolue sur les Bamilékés, parce que je peux vous produire le cas de la succession Soppo Priso qui dure depuis au moins trois décennies et qui aura donné lieu àbrouille des plus déplorables. Je m’autorise d’ailleurs, dans la même lancée, d’évoquer la succession Fouda André, même s’il n’était ni homme d’affaires ni milliardaire au sens de la fortune financière massive.
Q : Vous semblez vouloir contourner le sujet, lequel nous le répétons, émerge à cause d’une actualité qui met en exergue, des images piteuses et regrettables de batailles rangées entre des fratries, alors que du vivant de leur père, rien ne laissait présager ce genre de guerre. La dernière en date ce sont les Monkam, où l’on a vu apparaître dans la presse, une demande de désignation d’un administrateur séquestre. On n’évoque même plus les Fotso, où des milices, des gros bras et une armée entière sont déployés par-ci et par-là.
R : Ecoutez, je n’ai aucune intention de me dérober, tant le sujet est clair et suffisamment précis. En principe, les successions sont régies par des us et coutumes dans chaque famille, mais également au niveau officiel, par des procédures consacrées, des actes et des faits : testament ; jugement d’hérédité ; successeur qui n’est en réalité que le premier des cohéritiers ; administrateur des biens. Maintenant, des problèmes peuvent survenir comme c’est le cas, et tout dépend beaucoup de comment le chef de famille s’est pris de son vivant, pour régler tous les détails du jour d’après. Malheureusement, ce n’est jamais suffisant, et les problèmes existent alors, y compris quand il n’y a qu’un seul lit.
Q : Pensez-vous que l’ampleur des richesses, l’immensité du patrimoine, bref une fortune colossale, est source de problèmes après la mort du père ?
R : Bien, à regarder comment les choses se déroulent, et si l’on s’en tient à quelques cas pris en exemple, il y a lieu de valider mais en le relativisant, votre postulat. Mais je dois surtout vous dire, que trop souvent, des calculs sordides sont faits et des planifications sournoises formatées du vivant même du père. Tenez, que voulez-vous attendre par exemple des enfants qui sont paresseux, qui n’ont pas assez réussi ou fait des études valables ? Ils savent se battre pour la succession et créer le désordre.
Q : Est-ce qu’une population dense d’enfants n’est pas un autre pan des causes ?
R : Ah non, pas forcément. Vous aurez toujours des problèmes, que les enfants soient nombreux ou pas, qu’il y ait plusieurs lits ou pas. Ecoutez, prenez deux ou trois successions, et faites une comparaison. Autant dans certaines familles, l’évidence saute aux yeux pour celui qui pourra succéder, autant dans d’autres, c’est le flou obscur. Souvent même le père ne se fait pas une idée définitive jusqu’à la fin de ses jours, et il arrive que des confidences faites par-ci et par-là, tantôt à des amis, tantôt au chef du village et tantôt par acte notarié, change brutalement, et pas une seule fois. Je connais en ce moment un grand Bamiléké qui est franchement souffrant. Il m’a fait venir et nous avons fait le tour de plusieurs questions, un peu comme le vieux sentant sa fin approcher. Il y a très longtemps, plus de deux décennies, qu’il m’avait indiqué son successeur, lequel est hors de la ville. Au moment de nous quitter, je lui posé la question en parabole, pour m’assurer que ce qu’il m’avait dit, tient toujours. C’est alors qu’il a mis les deux mains sur la tête : Ouais, j’ai failli oublier l’essentiel : Non, ce n’est plus ainsi, j’ai changé. Il m’a alors indiqué à un autre fils, qui vit hors du pays, et j’ai tout de suite opposé mon veto. J’ai été clair avec lui. « Je ne veux pas de quelqu’un qui viendra t’enterrer et retournera vivre à l’étranger, abandonnant ta tombe, la famille et la concession. Je veux quelqu’un qui va perpétuer ton nom, ta place, ta chaise dans la communauté, dans les réunions, dans le pays, maintenir tes œuvres et tes relations vivantes et prospères ».
Q : Y’a-t-il un souci de cette nature dans les successions qui font problème en ce moment ?
R : Je dirai non, mais quand vous prenez par exemple le cas de Monkam, vous vous souvenez que de son vivant, un des enfants qui est avocat à Paris, discutait déjà les biens de son père et menaçait même ce dernier de poursuites devant les tribunaux.Dans nos traditions de tels agissements ne sont pas tolérables et prédisposent à la malédiction. Je m’étais déplacé spécialement pour aller en discuter avec le patriarche, et en homme rempli de sagesses et de philosophies, voici ce qu’il m’avait répondu : « Shanda, mon fils, qu’est-ce qui vous prends, vous les enfants d’aujourd’hui ? Tu vois un petit manœuvre, un débrouillard comme moi qui ne sait que travailler, travailler avec ses mains et ses pieds, du matin au soir, sous le soleil, sous la pluie, et vous les petits-là, que votre intelligence vous trompe, vous pensez dire que vous allez venir discuter ses biens. Vous croyez que Monkam va construire ses chambres et ses boutiques pour que vous venez lui dire comment il va gérer. Je vais voir quel tribunal vous enseigne ça. Qu’est-ce qu’un enfant que j’ai accouché peut me faire ? C’est moi qui le nourris, un monsieur comme ça ».
Q : Vous semblez bien connaître ce papa ? Peut-on dire qu’il était un modèle ?
R : Absolument, et je prie pour que les choses se passent bien. Le père Monkam était extraordinaire en tous les points de vue. Je dois dire ici qu’une des choses qu’il a faites, c’était la délégation de gestion, mais en gardant le contrôle strict sur les investissements. Maintenant, comment allons-nous réussir un passage en douceur et en toute harmonie ? C’est est un autre problème. Je sais que jusqu’à sa mort, il tenait sa baraque. Les filles que je connais, sont toutes très intelligentes et pour certaines comme Clothilde qui gère La Falaise de Bonandjo, suffisamment initiées et entraînées par papa. Je ne pense pas qu’il y a des surprises après la mort. Comme je l’ai dit, c’est l’excès de suffisances, de convoitises et d’avidités qui engendre les problèmes. Là où de vrais managers ont émergé, les problèmes sont gérables, même avec des épouses nombreuses.
Q : Oui, vous dites tout cela, et les Fotso ? Même le testament semble contesté, alors que dans la pratique, cela ne devrait pas souffrir de doutes. Que se passe-t-il vraiment ?
R : Vous faites bien d’en parler, même si je ressensune réelle douleur en assistant au spectacle de la concession de la famille Fotso envahie par des gendarmes. J’aurais préféré mille fois me taire, garder pour moi certaines choses, certaines vérités, certaines révélations importantes. Mais puisque nous y sommes, et eu égard à ce qui se passe, peut-être que je commettrais une faute irréparable et impardonnable en me dérobant, en me taisant.
Q : Que voulez-vous insinuer au juste ? On sait que vous avez été ou êtes très proche de Yves Michel Fotso, que d’aucuns présentaient comme l’héritier indiscutable de son père et le porte flambeau de la famille. Vous avez certainement des secrets ?
R : Ecoutez, je peux affirmer, que je suis une des rares personnes, à qui le patriarche s’est ouvert, à qui il a parlé avec foi, conviction, engagement, colère, familiarité, message de postérité, révélations et recommandations. Les conditions dans lesquelles je l’ai rencontré, sont exceptionnelles et chargées d’émotions vives que l’on expérimente rarement dans le cours d’une vie. Il m’a attendu, il m’attendait, il s’est préparé avant de me parler.
Q : Apparemment vous n’avez pas le courage, ou alors l’envie d’en parler ici ?
R : Ecoutez, comment pensez-vous que je peux parler aussi facilement ? Je suis moi aussi dévasté et très confus, en lisant les insanités et les contrevérités qui circulent. Ce que je peux vous affirmer, c’est que je suis convaincu de porter ce qui de mon point de vue, mais alors très objectivement, constitue la volonté du patriarche, n’en déplaise à quelques-uns. Vous savez, je peux vous renvoyer à mon ouvrage, « Je plaide, au nom de la vérité et de la criante de Dieu ». C’est le fruit de la tournée que j’ai effectué en 2017, pour présenter mon premier livre sur Yves Michel Fotso, « J’ai compris Yves Michel Fotso ». C’est triste, les gens ne lisent pas. Je suis convaincu que si même les enfants Fotso, leurs notaires et multiples conseillers et tuteurs improvisés, avaient lu ce livre, ils se garderaient de produire tout ce que je vois circuler. Vous savez que j’étais accompagné d’une floppée de journalistes et de chaînes de télévision. Eux aussi peuvent témoigner.
Voici le contexte de la rencontre :
Ce jour-là, je suis arrivé à la Mairie à 14hs, après avoir rencontré deux chefs supérieurs, le gouverneur et le préfet. Le père n’était pas en place. Je me suis rendu à la résidence, il m’a fait dire que je passe demain à 11hs au bureau.
Et voici le patriarche qui s’exprime :
« Monsieur Shanda, mon fils, merci d’être venu.
Je t’avais déjà envoyé une lettre pour te féliciter, parce que je ne pensais pas qu’un Camerounais pouvait faire ce que tu fais, se lever pour défendre quelqu’un comme ça, et avec autant de force et de détermination. Je ne t’ai pas reçu hier, parce que je ne voulais pas voir quelqu’un avant toi, ni après toi. C’est moi qui ai demandé que les journalistes restent dehors. J’ai bien reçu le livre, et le voici sur ma table. Mon fils, Monsieur Shanda, tout ce qu’il ya dans ce livre, c’est vrai et moi-même je connais tout cela. Même les gens qui ont fait ça à Michel connaissent. Ce que je peux te dire, et voilà ma mère derrière moi, c’est que sans Michel, je ne suis rien, je ne suis plus rien. J’ai fait tout et je faisais tout avec Michel. Maintenant qu’il n’est pas là, je ne vis plus. Mais ça ne fait rien, parce que moi-même j’ai connu pire. C’est le président qui a décidé, Michel est son fils comme il est le mien aussi. Michel pour moi est tout et a toujours été tout. C’est un enfant intelligent, travailleur, un bon gestionnaire avec qui nous avons créé plus de trente sociétés. Comme il n’est plus là, voilà, tout est tombé. Je sais qu’il sortira de prison et reprendra tout, reprendra même toutes nos affaires, même la banque. Michel est un enfant qui depuis le bas âge, a toujours été spécial. Il est comme un grain de maïs que même si vous coulez une chappe de béton sur lui dans le sol, il va germer. Voici la photo de mère derrière moi. A chaque fois que j’ai eu des coups durs dans la vie, elle m’a encouragé à oublier, à pardonner, à passer l’éponge et à aller de l’avant. J’aurai 90 ans en décembre, et je sais que mon fils est en prison, qu’il n’est pas avec moi, qu’il n’est pas là où il devrait être. Fochivé m’avait soumis à pire, mais je suis resté un patriote, quelqu’un qui aime son pays, exactement comme Michel mon fils. Je ne vais pas aller m’asseoir devant la porte de la prison. Michel sortira de prison. Tout est entre les mains du président. C’est son fils, c’est lui qui l’a mis là, et c’est lui et lui seul qui sait quand il le fera sortir ».
Je préfère taire le reste, encore plus fort et mieux élaboré. Je garde avec moi pour le moment.
Q : Quelle conclusion tirez-vous de cet entretien ?
R : Ecoutez, lorsque je quitte le patriarche, je suis en larmes, mais lui me tient fortement des deux mains, et me dit : « je t’encourage, va et continue ton travail. Continue à défendre ton frère, défend Michel et défend encore plus fortement ». Moi qui m’attendais à ce qu’il me prodigue des conseils d’être prudent, de faire attention, j’ai trouvé un homme résolu, attaché à son fils, fermement derrière lui. C’était totalement contraire aux intoxications véhiculées dans l’opinion.Lors dupoint de presse sur le parvis de la mairie devant la cinquantaine de journalistes, de photographes et de cameras, je suis perdu, dominé par l’émotion, mais soulagé et quelque part content et rassuré. La rencontre n’était pas celle que j’attendais, parce qu’on avait déversé tellement de choses, de mensonges, de sottises sur un père qui était en rupture avec son fils, qui l’avait abandonné, qui ne voulait plus entendre parler de lui. Tout cela n’était que mensonges et montages.
Je revois les images. Quand il a fini de me recevoir, il a demandé que l’on ferme son bureau, et il a rejoint à pas lents mais fermes et contrôlés sa voiture pour regagner sa résidence, exactement comme il me l’avait annoncé. J’ai réalisé qu’il venait de se livrer vraiment, de se soulager, d’accomplir une réelle mission. Deux choses sont cardinales dans ses déclarations et ses sentiments. Premièrement, son amitié et son attachement au Chef de l’Etat. Deuxièmement, son affection, son soutien et son attachement à son fils Yves Michel.
Q : Ok, Shanda Tonme, sans vouloir s’éterniser sur ce cas, pour vous, il y a un vrai cinéma faux dans tout ce qui se passe actuellement dans la succession Fotso ?
R : Ah non, ne me prêtez pas des intentions ou des jugements. Je rends compte de mon entretien avec le père, et cela ne date pas d’aujourd’hui. Je crois qu’il y a même des bandes audios de mon point de presse ce jour-là. Je signale que la Préfète, était pratiquement dans la même lancée lors de nos échanges. Je l’ai du reste aussi révélé dans le livre. Voici ce qu’elle me dit : « cet homme est très fort. Ici c’est notre père à tous. Bandjoun c’est lui, mais il n’est plus la même personne, on sent qu’il lui manque quelque chose, il lui manque son fils, et rien ne peut compenser cela. Nous prions tous avec lui et pour lui surtout. Quand vous parlez avec les gens ici, il n’y a que le problème de Fotso Yves Michel dans la tête de chacun. Mais on compte sur le chef de l’Etat ».
En tout cas, personnellement, ma conviction est faite et elle est inébranlable, sur le fait que le père a été façonnée pour essayer de se distancer de son fils, et par ailleurs qu’il avait conscience de cette situation au point de prendre peur de son entourage. Regardez comment il me reçoit, ce qu’il me dit, et analysez ce qui ressort comme testament maintenant, comment la machine se met en place pour gérer une famille après. S’il y a quelqu’un qui ne courait pas ou ne calculait pas le patrimoine, c’est sans aucun doute l’ancien DG de la Camair. Maintenant, la famille est engagée dans des procédures dont personne ne peut prédire l’issue ou les issues. La seule certitude, c’est que Yves Michel Fotso est l’arbre fort de la famille et le point focal des ressourcements et des planifications. C’est le seul qui a pu se faire, se bâtir une fortune personnelle, une réputation dans les affaires avec des réussites indéniables. Le reste est une pure agitation qui va rentrer dans les rangs, que l’on le veuille ou pas. Les paroles du patriarche Fotso sont à méditer, et je tais la suite. Les gens peuvent bouger dans tous les sens, mais l’ombre de Yves Michel Fotso est présente partout, et tous savent très bien de quoi il est capable. Il est même celui qui a financé les études et le séjour à l’étranger dans de prestigieuses institutions de la plupart de ses frères, y compris Nadia Fotso, la jeune Avocate qui déverse des tonnes de choses sur lui.
En tout cas, dès que Yves Michel Fotso a été emprisonné, les grandes manœuvres ont commencé contre lui à l’intérieur de sa propre famille.Des alliances contre nature se sont nouées et ont prospéré méthodiquement dans le but de l’anéantir par tous les moyens et de ternir définitivement et gravement sa réputation.Et pour dire vrai, certains sont allés jusqu’à tout mettre en œuvre pour qu’il ne recouvre jamais la liberté. J’ai été approché pour m’entendre dire que je défendais un diable, que je me liais à quelqu’un que je ne connais pas, que même si c’est pour l’argent, je peux avoir plus. Vous savez, on parle de politique parfois à tort et à travers, mais la plus grande politique, et je dirai sans doute même la plus dangereuse, se joue dans les familles, pire dans les familles nombreuses de plusieurs lits. Le paradoxe dans nos pays pauvres matériellement et pauvres de mentalité, c’est de croire qu’on peut acheter tout le monde. Non.
Q : N’y a-t-il pas une sorte de malédiction qui s’abat sur la famille quand on rate les successions, ou que l’on viole la volonté du père ?
R : Vous savez, tout cela dépend de trop de choses. Ce que je peux conseiller aux gens, c’est de faire attention, très attention. Ce que j’ai vu à Bandjoun où l’on fait envahir la maison familiale par des hommes en armes de guerre, ne rassure personne, et n’honore point la mémoire du défunt. J’entrevois trop de choses et d’événements dans la suite, et la prudence est à conseiller à tous. Quelque chose ne tourne pas rond, et il y a trop de loucheries. Les enfants sont tous sur un même pied d’égalité, que vous soyez comme on dit successeur ou administrateur des biens.
Q : que voulez-vous insinuer ?
R :Sans harmonie, point de paix et mille malédictions, en commençant par ceux qui auront d’une manière ou d’une autre, procédé à des manipulations. Je vous ai parlé tantôt de point focal et d’arbre, c’est à prendre en considération dans l’absolue et sans réserve. Dans les familles, ça ne badine pas. Regardez chez les Kadji, Gilbert est intouchable, même si des contestations ont fait jour sur la gestion des biens. Du point de vue des traditions, la discussion n’existe pas. Or si on tente de fausser, de trafiquer, le ciel s’assombrit. Le père Kadji personnellement m’a dit un jour, que Gilbert est son premier employé. C’était un message que je devais comprendre et je l’avais compris. Nous étions dans son salon à Douala, et Gilbert est arrivé pour prendre des instructions sur un dossier. Le père lui a parlé fort, et quand il est reparti, il m’a dit : « Shanda, lui qui vient de sortir, tu le connais bien non, il est très brave, mais il n’est pas encore fort comme moi. C’est mon premier employé. Je sais que toi tu connais beaucoup Nicole, une dure aussi comme toi n’est-ce pas ?
Q : Quelle peut être l’influence d’un chef supérieur à l’ouest dans ces querelles de succession ?
R : Quand il y a des moyens, c’est compliqué, très compliqué, parce que l’argent de la famille est justement utilisé pour corrompre tout le monde, diligenter noyer d’avantage les procédures, les allonger à l’infini, mouiller les magistrats et entretenir le faux et l’illégitimité. Là, le chef est défait et hors-jeu. Mais attention, dans les cas, où vous avez des grands cadres, les choses peuvent se passer autrement, parce qu’au fond, ce sont les indigents et les malicieux qui créent la zizanie, pendant que les posés, bien éduqués et mieux outillés intellectuellement, matériellement et même politiquement, sont en mesure de renverser le cours des choses et de rétablir les équilibres pour la vérité tôt ou tard. Chez les Kadji comme chez les Monkam et comme chez les Sohaing, il y a certes de grands cadres, mais tous sont restés trop dépendants des affaires familiales et du pouvoir de papa. Or allez voir chez les Fotso, et vous vous rendez compte que le seul problème aujourd’hui, la seule cause du désordre, c’est l’absence ou la privation de liberté d’Yves Michel Fotso. Encore que comme je l’ai souligné, chez les Kadji, Gilbert a beaucoup réussi dans l’entreprenariat du sport à tel point que rien que par-là, il s’est construit un petit empire du vivant de son père.
Q : On dit par exemple que le chef bandjoun n’approuve pas la succession de Fotso Victor avec tout ce qui se passe. Qu’en pensez-vous ?
R : Vous apportez vous-même un clou terrible qui constitue, une fois encore, un élément important, très important même. A l’Ouest, une si grande concession bouillonne, et on ne voit le chef supérieur dans rien, c’est qu’il y a des choses qui ne tiennent pas la route. En effet pour un si grand notable, une si grande élite, c’est d’abord à la chefferie, par la chefferie et avec la chefferie que les successions se mettent en place, sont validées et consacrées. Ensuite, il ne faut jamais penser que l’argent et l’influence, triompheront des coutumes et des traditions. C’est impossible. Le spectacle des hommes armées prenant d’assaut une chefferie sur les ordresd’un fils ou d’une enfant de la concession, est un véritable drame aux implications et aux conséquences lointaines, radicales et dévastatrices insoupçonnables. C’est un sacrilège irréparable et rien de plus.
Enfin, si vous avez remarqué quelque chose, dans nos traditions, une femme ne peut pas se lever pour commander et dicter, dans une grande concession remplie de garçons de tous les âges, même si elle est mamiwata. Le principe n’est pas admis et ne sera jamais admis. Ce sont toutes les malédictions du monde qui vont s’abattre sur la famille dans certains cas. Pour l’instant on feint de regarder sans trop parler, mais ça bouillonne dans les cœurs et dans les esprits, et ça jacasse sous les chaumières. On s’en remet à la vieille exclamation prophétique non achevée : « un jour un jour ». C’est ainsi que réagissent les gens, non seulement à Bandjoun, mais dans l’Ouest et général.
Q : Devrait-on s’attendre à voir ces grands noms disparaître et le patrimoine être dispersé pour ensuite être dilapidé et anéanti pour ne pas dire effacé ?
R : Ecoutez, je reviens à ce que j’ai dit tantôt, à savoir que l’existence ou la non existence de grands cadres avisés et posés compte, et fait la différence. Rien n’est impossible et rien n’est jamais joué d’avance. Ce que l’on sait, c’est que nombre de successions des milliardaires, les premiers milliardaires, ont fini dans la ruine. Pour Kouam Samuel, il avait suffi d’une décennie et le tour était joué. C’est ainsi quand il n’y a pas eu des bases solides et structurées. C’est pour cela qu’on dit que laisser des tas de biens et des comptes en banque aux enfants ne sert à rien vraiment, mais laisser des têtes bien faites, pleines d’intelligences, d’éducations et de formations, vaut tout l’or et tous les diamants du monde. Avez-vous vu ces images de Bandjoun avec des tables garnies aux champagnes les plus chers de la planète ? Ces enfants ont travaillé cet argent quand pour faire ce genre de folies et de démonstrations, alors que dans le même temps, on nous apprend que les veuves et les orphelins mangent à peine et tirent le diable par la queue ? A ce rythme, tout va s’écrouler au plus vite. Leur chance c’est encore qu’il y a l’équation Yves Michel Fotso.
Q : Pourquoi mettez-vous tant l’accent sur Yves Michel Fotso ?
R : Ah non, je ne sous-estime pas les autres, et je n’exagère surtout pas. Chacun et chacune a son talent à sa façon et son étoile. Même les sœurs, ou la sœur qui est devant actuellement a son talent, la ruse, l’activisme, l’anticipation et l’usage du pouvoir et des privilèges. Il faut être fort pour y arriver et le faire. Il semble d’ailleurs qu’elle est crainte et très redoutée. Qui tient le cordon de la bourse, tient les esprits et les décisions, mais attention de glisser, et attention à l’effritement ou à l’évolution des alliances. Demain peut tout chambouler, et bien : des signaux le laisse présager.
Q Yves Michel Fotso n’est donc pas seul ?
R : Oh, comment ça seul ? Il m’est revenu qu’un journal a même titré qu’il a été abandonné par tous ses frères. Je peux comprendre l’indigence et l’appât du gain, surtout quand il y a des sommes colossales à dépenser, mais soyez prudents et surtout sérieux. On parle d’une véritable machine, d’un ordinateur à nulle autre pareille. Le montrer affaibli, pleurant, il faut le faire, il faut être malade pour le penser. C’est un dur à cuir et quelqu’un de plus équilibré, nettement au-dessus de ces petits montages et affirmations non fondées. C’est vrai qu’il suffit d’être absent, de faire semblant d’être mort, et on découvre les rats aux dents de Lucifer qui sautent sur votre nom et commencent à fêter.
Q : Président, vous êtes dur !
R : Mais, Chers amis, il faut être réaliste. C’est une chance d’avoir Yves Michel Fotso dans une famille. Il est unique, et son père le disait et le répétait. Je peux dire qu’après douze ans de proximité maintenant, je connais un peu le monsieur qui m’a adopté comme un ami, un frère, un conseiller et un confident, et en retour, moi j’ai fait la même chose. C’est un homme intelligent, puissant dans la réflexion et dans la créativité quand il s’agit de construire des solutions, de planifier les affaires et de gagner de l’argent. J’avoue qu’à côté de lui, je me suis senti parfois tout petit, tant son immense expérience des choses, des affaires et des rapports humains, éclipse tout ce que vous appelez grands intellectuels et diplômés. Il suffit de le pratiquer une semaine profondément, et vous oubliez votre doctorat, vous réalisez que l’école est à part et la vie des affaires à part. Essayez de demander l’avis de quelqu’un comme l’ancien MINFI Essimi Menye, et vous comprendrez la même tonalité. Il m’a dit que Fotso est un génie d’exception. J’ai rencontré plein de gens qui disent la même chose, et confirme, y compris ses pires ennemis. Alors, si on la chance de l’avoir comme frère, comme membre d’une famille, on ne peut s’attendre qu’à de bonnes résolutions, de bonnes solutions et des probables sorties de crise.Je ne dis pas que c’est un sait, un être surhumain, non, il a ses défauts et nous avons même plusieurs points de divergence. La vérité, ce sont ces qualités qui impressionnent et surpassent les défauts, les fautes aussi. D’ailleurs lui-même le dit.
Q : Et le cas de Sohaing, que se passe-t-il ?
R : C’est trop triste. Il y a pourtant des enfants, des grands garçons qui se battent, qui travaillaient avec le père de son vivant, et qui connaissent même un peu les rouages. Hélas, cette histoire de polygamie, tantôt divorcée, et tantôt non, a tout gâté. Les avocats et les frais des diverses procédure sont entrain de tout ruiner.Les structures laissées par le père tombent ou dandinent. Akwa Palace est de loin le meilleur cadre hôtelier et sans aucun doute le plus prestigieux à Douala, mais l’évolution me fait très peur. Cet établissement déjà géré par un des braves fils du vivant du père, tient malgré tout débout et essaye d’avancer. Chaque fois que j’y descends, j’essaye de parler au personnel, de me renseigner sur les procédures. J’avoue que j’ai à plusieurs reprises essayé d’approcher les ayants droits pour prendre les procédures en mains et construire une médiation salutaire, mais je me suis retracté. Il y a par exemple le complexe qui aurait dû voir le jour, juste au carrefour là où se trouvait ARNO, mais c’est maintenant abandonné. Cette structure aurait apporté un embellissement radical au quartier et impacté très positivement l’image du centre des affaires. Espérons qu’on finisse par la réaliser.
Q : Selon vous, que faire alors ?
R : Non, il faut repenser ces successions de l’extérieur et si possible, envisager même une intervention salutaire de l’Etat quand tout chancelle. Comment par exemple, peut-on admettre que la seule grosse fortune Sawa, la succession Soppo, soit tombée en ruine ? Regardez la polyclinique qui faisait la fierté du pays, de toute l’Afrique centrale, elle est fantomatique dorénavant, une histoire ancienne qu’on ne peut même pas conter aux adolescents qui ont vingt ans.
Pour les Monthé, je n’ai même pas le courage de l’évoquer. On croit rêver en assistant au scénario-catastrophe dont seuls les mauvais films d’horreur vous dictent le dégoût. Tout est foutu, à l’image de l’hôtel Parfait Garden qui se dresse comme un arbre sauvage ravagé par les termites, en plein cœur d’Akwa à Douala. Une vraie insulte au capitalisme et au travail.
Q : Justement, vous parlez de capitalisme, faut-il conclure à l’échec d’un certain capitalisme africain, pour ne pas dire spécifiquement camerounais voire Bamiléké ?
R : Hum, C’est pire que l’échec, c’est la honte totale et la démonstration d’une incapacité prévisionnelle dans le management des grandes fortunes. Effectivement, on peut se demander comment on peut disposer de capacités de générer autant d’argent et de biens, et dans le même temps se révéler complètement en déphasage avec l’idée de continuité, de multiplication, de rentabilisation à long terme, de préservation, et de diversification du patrimoine ? Ceux qui soutiennent que les Bamilékés sont riches et entreprenants, devraient réviser toutes leurs théories brutales. La richesse s’exprime et se valorise d’abord dans l’art de se transformer en ferment de constructions viables, des instruments, de moyens humains et matériels d’influence à long terme. Nous n’y sommes pas chez nous, ou alors nous n’avons pas encore compris. Mais comprendrons-nous un jour ?
Q : Faudrait-il désespérer face à ces imparités voire à cette immaturité d’un capitalisme bamiléké que trahissent les querelles et la dilapidation des successions ? Le Laakam est-elle impuissante, sans esquisse de solution ?
R : Ecoutez, je vous l’ai dit tantôt, qu’il ne faut pas écarter l’intervention des pouvoirs publics, de l’Etat. Après tout, un patrimoine comme celui de Fotso, de Kadji et autres, représente par certains aspects, un bien public indirectement consacré, dans la mesure où il participe de la richesse nationale, du prestige national, de la construction nationale et du développement national. Mais si maintenant, le principe juridique ordonnancier du statut des droits de la propriété privé, sectaire, individualiste et égoïste, intervient comme un handicap, érigeant une impossibilité, alors, il faudra bien réfléchir à l’intérieur des structures comme le Laakam, sur la façon de protéger et de préserver les richesses des grandes familles. Partant de ce qui se passe dans la succession Sohaing, nous y avions déjà pensé sérieusement, mais plutôt pour mettre en place une équipe pluridisciplinaire de sages, qui irait vers les familles pour suggérer, souhaiter, conduire ou superviser une médiation. L’idée continue de faire son chemin, et j’ai bon espoir que nous parviendrons très bientôt à quelque chose de viable, de pratique et d’opérationnel.
Q : En fait, vous évoquez là un droit voire un devoir d’ingérence, exactement comme on parle d’ingérence humanitaire ?
R : Attention, il y a l’obligation de précaution et de réserve. Nul ne peut, personne morale ou personne physique, s’ingérer de façon brutale dans une succession. Même la pratique juridique de l’administration séquestre repose sur des préceptes consacrés de préservation de l’ordre public, des patrimoines sociaux, directs ou connexes et enfin des droits légitimes et légaux des personnes concernées à un titre ou à un autre par la succession. C’est pourquoi dans tous les cas, il faut prêcher, souhaiter, conseiller et promouvoir le dialogue, la réconciliation, le sens du partage.
Q : Ne craignez-vous pas qu’on vous accuse d’ingérence justement ?
R : Ah non, si tel devait être le cas, je présente mes excuses par anticipation. De toute façon, moi qui, moi quoi pour aller fourrer mon petit nez et mon petit nom dans les successions des gens ? Simplement, vous me connaissez assez comme un adepte su parler franc, et avec vous, je n’ai fait que parler franc. Si quelqu’un ou un groupe de personnes peut y trouver, matière à vexation, c’est franchement les mains en l’air, les genoux au sol, que je demande pardon./.
Entretien réalisé à Yaoundé, le 22 Mars 2021
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06.12 | 17:52
Initiative à encourager. Merci et bravo aux promoteurs du mouvement 👏👏
03.12 | 09:31
Buenas tardes, encantado de saludarte. Soy Jose
Quería escribirte porque me ha parecido interesante comentar contigo la posibilidad de que tu negocio aparezca cada mes en periódicos digitales como not
30.11 | 11:53
Bonjour Mme et toutes mes félicitations,
Je suis à Douala, je suis à la recherche de votre tisane. Avez-vous une représentation à Douala. Sinon comment faire pour avoir régulièrement votre produit.
28.11 | 21:45
Vive la folie de la littérature